Vers un euro numérique ouvert?
La Commission Européenne vient de publier le projet de règlement de l’euro numérique. Ce projet, initié par la Banque centrale européenne (BCE), promet d’offrir un moyen de paiement numérique public à tous les citoyens de la zone euro. Pourtant, il suscite de nombreux débats quant à sa pertinence, la manière dont il devrait être conçu et sa mise en œuvre. Le projet de législation parle du potentiel recours à des “normes ouvertes” sans évoquer un code ouvert. Chez les bricodeurs, nous pensons que c’est pourtant la seule façon de garantir la confiance, l’ouverture et la pérennité du projet
Garantir la confiance
L’un des principaux avantages de l’open source est l’établissement d’un rapport de confiance par la transparence. En rendant le code source de l’euro numérique accessible à tous, la BCE permet de s’assurer que le fonctionnement de l’euro numérique correspond bien aux annonces.
En particulier, le projet d’euro numérique met en avant la protection de la vie privée. Plusieurs mesures législatives sont proposées pour limiter l’utilisation des données par les prestataires de paiement, les banques centrales et leurs prestataires. La conception du système est sans doute encore à affiner. Par exemple, il semble que pour contrôler la fraude, les prestataires devront accéder plus que les données énumérées. Par ailleurs, côté banque centrale, on jure qu’il n’y aura pas de données personnelles, mais un identifiant unique. Ce qui est un peu équivalent. Sans code ouvert, il n’y a aucun contrôle citoyen sur les affirmations de bonne volonté et aucun moyen de comprendre le détail de la conception.
L’open source permet aussi une vérification indépendante du code. Les développeurs et les experts en sécurité pourront examiner en détail le fonctionnement de l’euro numérique pour s’assurer de sa fiabilité. Comme dit le fondateur de Linux: “avec suffisamment de paires d’yeux, tous les bugs sont évidents. Même les projets des géants de l’internet dépendent du travail d’acteurs indépendants pour renforcer leur sécurité.
Enfin, l’usage de l’argent public collecté auprès de tous par les impôts doit bénéficier à tous et être auditable. En France, l’article 14 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 rappelle que tous les citoyens doivent pouvoir suivre l’emploi de la contribution publique. Comme le rappelle la campagne “Argent public = Code public” de la Free Software Foundation, de même que les décrets et circulaires documentent le fonctionnement de l’administration, le code est la seule façon de documenter son action numérique.
Assurer L’ouverture
Il y a une notion de principe et d’efficacité à ouvrir le code. En adoptant une approche open source, la BCE faciliterait l’intégration de l’euro numérique dans les services financiers existants et les infrastructures technologiques. Les développeurs tiers seraient en mesure de construire des applications, des portefeuilles numériques et des services financiers compatibles avec l’euro numérique en utilisant les spécifications et les interfaces ouvertes. C’est connu en développement logiciel, la meilleure documentation est le code. Cela encouragerait l’innovation et l’émergence d’un écosystème dynamique autour de l’euro numérique offrant aux utilisateurs un large choix d’options pour accéder et utiliser la monnaie numérique de manière pratique et sécurisée.
Au-delà même du projet lui-même, l’euro numérique deviendrait un vecteur pour encourager les standards ouverts et les bonnes pratiques logiciels. A l’heure où la cybersécurité des logiciels est un enjeu clé de l’Union Européenne, un projet de référence ne peut que contribuer à renforcer l’écosystème logiciel européen.
C’est aussi éviter de réinventer la roue pour des projets similaires. De même que les projets d’infrastructures de marchés financiers bénéficient aujourd’hui des codes des projets blockchains, un euro numérique ouvert bénéficiera à d’autres projets et potentiellement à d’autres pays. Un facteur important de soft-power donc.
De quel open source parle t-on pour le projet d’Euro numérique?
Pour le projet d’euro numérique, lorsque l’on parle d’open source, il y a différents composants:
- Code des infrastructures de la BCE : Il s’agit du code source des infrastructures techniques et logicielles utilisées par la Banque centrale européenne (BCE) pour mettre en œuvre l’euro numérique. Cela peut inclure les systèmes de traitement des transactions, les protocoles de communication, les mécanismes d’audition des fraudes, etc.
- Code du “front-end” de référence : Dans le cadre de l’euro numérique, un service “front-end” de référence est prévu, comprenant vraisemblablement une interface, le back-end correspondant et plusieurs services. Ce “front-end” serait utilisé par des prestataires pour permettre aux utilisateurs de stocker et de gérer leurs euros numériques.
Dans ces deux cas, ces composants étant sous le contrôle de la BCE, il suffit d’une volonté politique pour faire un projet open source. Additionellement, il faut imaginer qu’il y aura de nombreux services auxiliaires dont l’importance devrait être évaluée. Si le code open source ne permet pas d’au moins comprendre le fonctionnement du service, il risque d’être d’utilité limitée.